Rodindoi phanglimata mashkar Rromani kultura hai e niva tolmachimaski
Philippe Caignon, professor of terminology and translation (Concordia University, Montreal)

Professor Philippe Caignon (Concordia University, Montréal, Québec, Canada) is of Sinti Romani descent on his maternal side. In this interview he discusses the importance of terminology studies and professional terminology practices. The interview was conducted in French.

Transcript

DEBBIE :

Bonjour à tous et à toutes. Nous avons le plaisir d'accueillir Monsieur Philippe Caignon, Directeur du Département d’études françaises à l’Université Concordia à Montréal au Canada. Monsieur Caignon est professeur agrégé, terminologue agréé et traducteur agréé. Il et aussi d’origine Romani.

PHILIPPE CAIGNON :

Oui, par ma mère qui est sinti.

DEBBIE :

Philippe, comme tu sais, une partie des spécialistes en Études romani sont appelés à se prononcer sur les questions de l’uniformisation et de l’harmonisation des dialectes pour créer une langue commune, une grammaire commune et une orthographe commune. Pour ce faire, ils analysent les conversations et les documents utilisés lors des réunions internationales pour voir les préférences et les choix des participants, et pour comprendre ce qui se passe sur le terrain, en pratique réelle.

PHILIPPE CAIGNON :

Il s’agit d’une excellente façon de procéder : les données orales sont assemblées en employant des méthodes d’enquête sur le terrain où, par exemple, on enregistre les locuteurs, pour retranscrire leurs paroles et permettre ainsi leur analyse. Ces paroles peuvent d’ailleurs relever d’une langue spécialisée ou de la langue commune, selon le contexte d’utilisation.

DEBBIE :

En même temps, étant donné l’expansion des domaines de spécialité partout dans le monde, il y a toujours le besoin, et le défi, de créer de nouveaux vocabulaires, c.-à-d. de nouvelles terminologies, et ce, tant à l’oral qu’à l’écrit.

PHILIPPE CAIGNON :

Tu as raison Deborah, l’expansion des domaines de spécialité constitue bien un défi. On vient de voir que les données orales sont répertoriées à l’aide de méthodes d’enquête sur le terrain. Pour ce qui est des données écrites, elles sont réunies en employant une méthode assez classique en lexicographie qui consiste à établir un corpus de textes pertinent et suffisant (spécialisés en droit ou en politique, par exemple – des rapports, des lettres officielles, des commentaires, des normes, etc. – ou générauxdes romans, des lettres, des biographies, etc.).

DEBBIE :

Ce qui rend la tâche plus compliquée encore, c’est qu’il faut prendre en considération de nombreux dialectes parlés dans plusieurs pays partout dans le monde, de l’Europe jusqu’aux Amériques. Ton domaine de compétence n’est pas la langue Romani, mais j’imagine que les défis transcendent les langues. Selon toi, quel est le rôle de la terminologie dans la création d’une langue moderne où l’impact de la mondialisation est si important ?

PHILIPPE CAIGNON :

La terminologie est essentielle au développement harmonieux d’une langue tentant de s’affirmer entre des milliers d’autres. Il s’agit d’une discipline qui est d’abord axée sur l’observation des locuteurs, et en particulier sur l’observation de leurs habitudes de communication pour comprendre la façon dont ils expriment les concepts dans leurs écrits et leurs paroles.

DEBBIE :

Après l’observation, et la collecte des données, il y a l’analyse.

PHILIPPE CAIGNON :

En effet, les terminologues analysent les données en fonction de critères établis, comme la fréquence d’utilisation, la conformité de l’unité lexicale aux normes reconnues de la langue (acceptabilité), l’adéquation entre l’appellation du mot et le concept qu’elle véhicule, la dérivabilité potentielle de l’appellation retenue et la transparence sémantique de l’appellation (motivation).

DEBBIE :

De telles analyses conduisent certainement à des choix lexicaux et terminologiques…

PHILIPPE CAIGNON :

Oui. Les terminologues peuvent soit préconiser un emploi particulier, soit proposer un choix aux locuteurs qui se prononceront en préférant une unité lexicale à l’autre. Dans tous les cas, le terme retenu sera répertorié dans des bases de données, des dictionnaires, des lexiques, etc.

DEBBIE :

Est-ce que cela garantie forcément le renforcement de la langue?

PHILIPPE CAIGNON :

En fait, la diffusion de la terminologie dans la communauté linguistique, la vitesse à laquelle une communauté peut s’adapter aux nouvelles réalités et créer de nouveaux mots, de nouveaux termes réellement utilisés ainsi que l’engouement de la communauté linguistique pour sa langue et sa culture sont autant de facteurs importants pour l’émancipation d’une langue-culture dans le monde actuel.

DEBBIE :

Tu es aussi pédagogue. Selon toi, pour enseigner la terminologie une formation en traduction est-elle nécessaire?

PHILIPPE CAIGNON :

La terminologie est une discipline qui relève surtout de la gestion de la connaissance. Elle peut aussi bien s’appliquer dans un contexte multilingue qu’unilingue. En ce sens, elle n’a pas nécessairement besoin de l’enseignement de la traduction pour s’accomplir. En revanche, puisque le tiers de la pratique de la traduction porte sur la recherche d’équivalents terminologiques, il est impératif que les traducteurs et traductrices reçoivent une formation en terminologie afin d’effectuer cette recherche rapidement et efficacement. Cela dit, je conseille quand même que tout terminologue reçoive une formation en traduction.

DEBBIE :

Dans ce cas-là, c’est l’aspect multilingue qui est mis de l’avant.

PHILIPPE CAIGNON :

En effet, la formation en traduction offre une plus-value à la terminologie : l’aspect multilingue et multiculturel. Les traducteurs, traductrices et les interprètes sont des experts en communication interlinguale et interculturelle. Ils bénéficient d’une sensibilité accrue aux exigences particulières liées à ce type de communication.

DEBBIE :

Ils ont ainsi des connaissances pour tisser les liens entre toutes les langues et les cultures.

PHILIPPE CAIGNON :

Sans ces connaissances, essentielles dans le contexte actuel de mondialisation et de côtoiement des cultures, un terminologue ne serait pas sensibilisé à « l’autre » et pourrait commettre des erreurs d’analyse de corpus pour finir par préconiser, par exemple, une mauvaise équivalence de terme, non adaptée au contexte concret d’utilisation.

DEBBIE :

Faut-il aussi de l’expérience pour enseigner la terminologie?

PHILIPPE CAIGNON :

Comme pour beaucoup de domaines, il faut un minimum d’expérience pour enseigner la terminologie. L’expérience donne l’occasion au terminologue d’utiliser ses connaissances dans des circonstances différentes qu’on ne peut pas toujours étudier. Elle oblige le terminologue à adapter son savoir aux diverses réalités humaines. Elle lui permet ainsi d’enrichir sa science et de créer de nouvelles connaissances terminologiques qui seront transmises à ses étudiants.

DEBBIE :

Quelle est la meilleure façon d’enseigner la terminologie ?

PHILIPPE CAIGNON :

La meilleure façon d’enseigner la terminologie est par sa pratique précoce : faire suivre la théorie par une application des concepts étudiés améliore les probabilités de rétention de la matière. La terminologie n’est pas une discipline complexe, mais elle étudie des domaines qui le sont souvent, comme le droit ou la médecine. On peut par conséquent inviter les étudiants qui désirent se spécialiser dans un domaine à commencer leur recherche dans celui-ci. De cette façon, ils s’initieront autant à la terminologie qu’à leur domaine de prédilection. On rapproche ainsi les étudiants de leur pratique professionnelle, ce qui est fort motivant.

DEBBIE :

Nous te remercions pour le temps que tu nous as accordé, et je te souhaite une très bonne fin de journée.


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